La céramique fait son show
Le cinquantième congrès de l’Académie internationale de la céramique se tient ces jours à Genève. Dans son sillage, une myriade d’expositions dans toute la Suisse romande.
Dans la pénombre d’une salle d’exposition du Musée Ariana, à Genève, Magdalena Gerber parachève l’installation de ses cinquante paires de bâtons en grès à découvrir dans le cadre de «Migration(s)» (lire l’encadré). La curiosité est aussitôt titillée par ces formes oblongues et sombres gravées d’inscriptions mystérieuses qui s’emboîtent les unes dans les autres à la perfection. L’oeil malicieux, l’artiste céramiste se prête au décryptage, dévoilant un concept séculaire de bâtons de comptage des avoirs et des dettes, revisité dans le cadre d’un projet aux frontières de l’art et de l’action politique. Car telle est la céramique contemporaine: un terrain jubilatoire d’expression qui jongle avec son passé pour mieux parler du futur.
La terre en résonance
Également responsable du Centre d’expérimentation et de réalisation en céramique contemporaine de la HEAD (Haute École d’art et de design de Genève), avec ses collègues européens, Magdalena Gerber a mené avec ses étudiants et ceux de trois autres écoles supérieures (Nice, Monaco et Bruxelles) un projet nommé «Resonating Ceramics – from 20 Hz to 1280 °C». Réalisé grâce au financement européen et présenté dans le cadre du 50e congrès de l’Académie internationale de céramique (AIC), ce travail collaboratif convoque les domaines de l’acoustique, de la sociologie et de l’anthropologie. Et en particulier la relation entre le matériau céramique et le son. «Les 20 étudiants des quatre écoles ont travaillé en binômes pour créer des pièces en céramique activées avec du son», explique la professeure. Au détour d’oeuvres monumentales ou discrètes, symboliques, utilitaires ou performatives, la céramique interprétée par cette nouvelle vague d’artistes augure d’une expérience sensorielle unique. «On pourra voir une pièce inspirée d’une fontaine japonaise avec une goutte qui tombe, une jarre rouge peinte de Mickey Mouse emplie de poèmes sonores, le son de l’eau émanant d’un rhizome et d’autres surprises», promet Magdalena Gerber.
«En matériau d’expression infini»
Trois questions à Marie Bornet Lanz, céramiste et membre du comité swissceramics.
Pourquoi l’Académie internationale de céramique AIC) a-t-elle choisi ce thème «Melting pot»? «Melting pot», c’est le creuset dans lequel l’alchimie s’opère. L’AIC se réunit en cette année festive à Genève, ville internationale par excellence, où les cultures tendent à se fondre. Mais ce thème est également lié au partenariat de l’AIC en tant qu’ONG de l’Unesco pour souligner l’universalité du travail de la terre dans sa diversité.
Que représente aujourd’hui l’art de la céramique? C’est un matériau d’expression infini que partage une famille internationale d’artisans, d’artistes, de designers. Tous travaillent la terre. Ils créent des installations, des oeuvres éminemment contemporaines, des pièces abstraites, etc. C’est un monde d’une richesse inouïe, qui est mis en scène ces jours par 150 artistes et galeries, en partenariat avec 35 institutions réparties dans toute la Suisse romande. C’est une effervescence que nous souhaitons partager avec le grand public.
Quel rôle joue l’association swissceramics? Swissceramics est garante de la formation professionnelle en
Suisse. D’où l’importance d’inclure les écoles de niveau CFC et HES dans le circuit des expositions proposées au public. Outre l’exposition à la HEAD (ndlr: Haute École d’art et de design de Genève), un projet collaboratif des classes céramiques de Vevey, Berne et Genève est à découvrir au Centre de formation professionnelle Arts de Genève et les meilleurs travaux de CFC de l’année dans le cadre de l’exposition «Melting pot».
Plus d’infos: Page d’accueil | Ariana (musee-ariana.ch)
SISP/IMI/15.09.2022