Parure, postiche, coiffure, Stéphane Antille travaille le cheveu pour le bien-être de ses clients. Portrait d’un artisan de tête.
Ses grands-parents étaient coiffeurs à la place Chevelu. La mode faisait alors la part belle aux coiffures crêpées, laquées, volumineuses et parées d’artifices. Lorsque son père reprend le salon, la carrière de Stéphane Antille, lauréat du Prix de l’artisanat décerné par l’Association des communes genevoises et les autorités du Canton le 9 mai dernier, se noue définitivement autour du cheveu. Il sera lui aussi coiffeur et perruquier.
Mots de têtes
«Les employés de mon père m’ont appris la couture,la coiffure, la préparation, les ajustements, toute la construction d’une perruque, raconte Stéphane Antille. J’ai fait un CFC de coiffeur pour apprendre les nouvelles techniques de coupe, puis une formation de visagiste pour donner aux personnes en chimiothérapie un dynamisme à leur visage lorsqu’elles sortent et côtoient du monde.» Si, dans les années 50, la perruque était à la mode, elle répond aujourd’hui à d’autres impératifs de discrétion et de confort. Les perruques de ville permettent une transition entre une couleur et une teinte naturelle. Elles sont aussi prisées par les personnes qui ont peu de cheveux, souhaitent moduler une longueur, ou encore être présentables en voyage faute de temps pour se rendre chez le coiffeur. Les coiffures médicales ou prothèses capillaires représentent, quant à elles, une part importante du travail du perruquier. «Le métier a bien évolué, notamment dans l’approche et l’écoute, explique l’artisan. Mon père y consacrait peu de temps, alors que je privilégie cet aspect psychologique du travail. Jusqu’à me passer de vitrine pour plus de discrétion. Pour cette raison, j’évite d’exposer des perruques dans la cabine d’écoute. Cela permet à la personne de s’installer et d’exprimer précisément son besoin sans être influencée par des exemples apparents.»
Se refaire une beauté
Après la discussion initiale et les prises de mesures, trois coiffures à choix sont proposées, avec de légères variations de couleur et de coupe. «En fonction de la saison et des traitements chimiothérapiques, le teint se modifie. On va expliquer à la personne comment le cheveu tombe, l’aiguiller dans ses décisions et lui apprendre comment soigner, entretenir et s’approprier sa coiffure-perruque.» Après avoir choisi la qualité du cheveu, fibre mémoire ou cheveu naturel, la construction intérieure du bonnet peut être entamée. Mais une perruque coûte cher si le montage complet est réalisé en atelier. «On reçoit actuellement des coiffures à 90% terminées car la valeur du cheveu naturel a prodigieusement augmenté, pointe le perruquier. Les cheveux viennent du monde entier, selon les envies des gens. Pour ma part, j’aime travailler avec de petits fournisseurs qui nous livrent des cheveux traités et sélectionnés avec soin. Car il faut d’abord les décolorer, les écailler, les rebrosser, les mettre en pli, les recolorer et seulement alors on peut commencer une construction. Les assurances nous limitent dans le temps consacré à l’élaboration d’une perruque pour des raisons de coût. On essaie de maintenir un niveau de prix de perruque qui varie entre 200 et 1700 francs, mais les ajustements de coiffure sont gracieusement offerts.»
Les hommes aussi
Les femmes seraient, selon Stéphane Antille, plus ouvertes que les hommes au changement. «Ils ne veulent ni changer ni dépenser, déplore l’artisan. Un complément capillaire, soit un toupet (découpe, préparation de la base, coupe, finalisation pour boucher la calvitie et colle), doit se changer tous les huit à dix mois. Malheureusement, certains hommes le gardent plusieurs années. Cela se voit et nous fait une mauvaise pub.»
Le Prix de l’artisanat honore cette année un métier complexe aussi bien du point de vue technique que psychologique. «Du temps de mes grands-parents, il y avait des dizaines de perruquiers, mais la plupart travaillaient seuls et n’ont pas trouvé repreneur, rappelle le lauréat. Puis internet a fait son apparition, des coiffeurs se sont mis à vendre des perruques… On veut préserver ce métier passionnant, où la personne peut venir à tout moment refaire une coupe, un ajustement. Lorsqu’on porte une perruque des mois, voire des années, on a parfois envie de changement.» Et c’est bien ce que recherche Stéphane Antille: le bonheur de ses clients.
SISP/IMI/11.05.2023
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