Les femmes sont encore nettement minoritaires dans les métiers de l’informatique et de la technique. Avec des projets comme Swiss TecLadies, elles font bouger les lignes.
Les aspirations professionnelles des jeunes sont imprégnées de stéréotypes de genre. C’est ce que montrent les études réalisées en Suisse, notamment le dernier rapport de la Commission fédérale pour les questions féminines. Face à la pénurie de talents, le manque de femmes dans les filières MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique) est particulièrement alarmant. Les initiatives encourageant la mixité y sont nécessaires.
Proposé par l’Académie suisse des sciences techniques, le programme de mentorat Swiss TecLadies en est une. Son but? Permettre aux jeunes filles de s’identifier à des rôles modèles, de découvrir la diversité des métiers techniques et de renforcer leur confiance en elles. Rencontre avec une mentore et son ancienne mentorée.
Rêve de petite fille
«Dans dix ans, je serai là-haut», lançait Johanna Muster à ses parents en 2014, les yeux rivés vers le ciel lors du meeting aérien AIR14 à Payerne (VD). Aujourd’hui, à 18 ans, elle embarque dans le programme pour futurs pilotes SPHAIR. Non sans avoir traversé des turbulences. Élève douée, pianiste assidue et footballeuse déterminée, Johanna Muster perd pourtant pied au gymnase. «J’aime les choses concrètes, je n’étais pas à ma place. J’étais démotivée, je doutais de mes capacités». C’est alors qu’elle rejoint Swiss
TecLadies et rencontre sa mentore, Laetitia Progin. «Grâce à elle, j’ai réalisé qu’il y a toujours une solution à un problème. Je devais croire en moi et suivre ma propre voie», assure Johanna Muster. Désormais en 2e année d’apprentissage d’œnologie, elle ouvre le champ des possibles et reprend goût aux défis. Cet été, pour la première fois, elle prendra les commandes d’un jet. Dans les airs ou dans les vignes, son avenir se dessine hors des sentiers battus.
Oser essayer
Cela fait dix-huit ans que la carrière de Laetitia Progin est sur les rails. Après son CFC d’électronicienne, elle devient diagnosticienne sur les trains aux CFF. Elle est la seule femme en salopette. «J’avais les cheveux courts pour me fondre dans la masse. Je ne voulais pas de favoritisme», confie la professionnelle. Avec le temps, elle gagne en confiance et prouve ses compétences. Si bien qu’elle prend des responsabilités en gestion de projet, de qualité et de processus. Depuis 2021, elle est technicienne méthodes chez TRAVYS, entreprise vaudoise de transports publics. Une ascension rythmée par des formations et des diplômes supérieurs, pour consolider son savoir et légitimer sa position. «Tenter sa chance et se donner les moyens de réussir pour ne pas vivre avec des remords» est le leitmotiv que Laetitia Progin partage avec ses mentorées. Un message que Johanna Muster a reçu cinq sur cinq et qu’elle diffuse à son tour.
Pour la relève féminine
Le programme de mentorat Swiss TecLadies est ouvert aux jeunes filles de 12 à 18 ans issues de toutes les filières de formation. La prochaine édition aura lieu de septembre 2024 à juin 2025. Des événements en rapport avec l’informatique et la technique seront proposés dans toute la Suisse. Il est possible d’indiquer son intérêt via le site internet. Citons aussi les initiatives des hautes écoles pour soutenir les filles dans leur intérêt pour les MINT, telles que le Coding Club des Filles, girls@HES, bootstrap et les stages WINS.
«À chaque génération, nous faisons un pas de plus vers l’équité et ouvrons des portes. Sans efforts ni solidarité féminine, nous n’en serions pas là. Dans les formations et les entreprises, les femmes amènent les femmes», conclut Laetitia Progin.
«Elles ont tout pour réussir dans latech»
Trois questions à Edith Schnapper, responsable Promotion de la relève à l’Académie suisse des sciences techniques.
Pourquoi les femmes sont si rares dans les MINT? Dans le choix de leur futur métier, la persistance des modèles genrés et des stéréotypes inconscients détournent les filles des MINT. Et à niveau égal à celui des garçons, elles sous-estiment leurs capacités dans les disciplines associées. Puis celles qui entament une carrière dans les MINT n’y restent pas forcément, faute de conditions-cadres satisfaisantes.
En quoi est-ce problématique? La pénurie de spécialistes, notamment dans les technologies de l’information et de la communication, est un argument central. Mais comme les technologies façonnent le
monde dans lequel nous vivons, le manque de mixité a des impacts sociétaux majeurs encore largement sous-estimés. Nous sommes tous concernés.
Comment atteindre plus de mixité? Il faut déconstruire les préjugés qui collent au MINT (pas besoin d’être un crack en maths pour s’y diriger !) et sensibiliser les jeunes, leurs parents et les enseignants à la question du genre dans l’orientation. Intervenir auprès des entreprises pour l’égalité au travail est aussi capital. Les femmes doivent savoir qu’elles ont tout en elles pour réussir dans la tech et coconstruire le monde de demain.
Infos : https://www.tecladies.ch/fr
Découvrez le programme de la saison 2024-2025